Ferdinand Oyono
Ferdinand
Léopold Oyono est un romancier, diplomate et homme politique camerounais né à
N'Goulemakong, près d’Ebolowa (dans la forêt équatoriale, au Sud du Cameroun),
en 1929 et mort à Yaoundé en 2010. Il est l’auteur de trois romans qui ont un
caractère révolutionnaire contre cet Occident qui a aliéné l’homme colonisé.
C'est une tragédie qu’exposent ses œuvres, mais sans éclats
ostentatoires ; leur ton souvent ironique s’avère propre à dénoncer sans
apitoiement le paternalisme des colons, leur mépris des peuples colonisés.
Ferdinand
Oyono étudie d’abord au lycée de Nkongsamba (Ouest du Cameroun) avant de
poursuivre ses études en France dans un lycée de Provins (Seine-et-Marne) où il
passe son baccalauréat à vingt-cinq ans. Il obtient ensuite une licence de
droit en 1957 à la Sorbonne puis est admis à l’ENA sur concours l’année
d’après, section diplomatie. Il commence sa carrière professionnelle en 1959
comme chargé des affaires consulaires à la Délégation du Cameroun à Paris.
Ferdinand
Oyono occupera de nombreux postes durant sa carrière diplomatique,
principalement en tant qu’ambassadeur du Cameroun, de 1962 à 1985, d’abord au
Libéria (1962), puis en Belgique (1965), au Benelux (1966), en France (1969),
en Algérie (1982) et au Royaume-Uni (1984). De 1974 à 1982, il est représentant
permanent du Cameroun à l’O.N.U.
Sa
carrière politique débute en 1985, après avoir été appelé par le président Paul
Biya, en fonction depuis 1982, en tant que secrétaire général de la Présidence
de la République du Cameroun. Il sera ministre dans plusieurs gouvernements,
d’abord de l’Urbanisme et de l’Habitat (1987), puis des Relations Extérieures
(1992), enfin ministre d’État de la Culture de 1997 à 2007.
Il est
nommé ambassadeur itinérant à la Présidence de la République du Cameroun en
2009 et c'est en tant que tel qu’il meurt, à l’occasion d’une visite de Ban
Ki-moon, alors Secrétaire général des Nations unies.
C'est à
la fin des années 1950 que la brève carrière littéraire de Ferdinand Oyono
commence et prend fin. Dans un contexte de décolonisation, ses œuvres, écrites
en français, qui pointent du doigt les méfaits de l’administration coloniale
comme de l’Église des missionnaires ou de la police, provoquent des réactions
d’approbation ou d’indignation.
Ferdinand
Oyono publie d’abord son œuvre la plus connue, Une vie de boy, en 1956,
dont la teneur est en partie autobiographique. L’auteur y met en scène Toundi,
un boy – c'est-à-dire, dans les colonies, un valet, un domestique – qui, à
travers son trajet de vie, fuyant d’abord un monde brutal, un père violent,
vers un monde censément plus civilisé, dénonce les travers de la colonisation.
L’œuvre a donc une forte teneur satirique. Le rôle de l’Église est invoqué à
travers le personnage du père Gilbert, membre d’une mission catholique, homme
bienveillant mais qui pérennise les rapports inégalitaires inhérents à la
colonisation en faisant de Toundi, qui l’admire, et qui devient
« Joseph », son boy. Le jeune garçon découvrira l’administration
coloniale à la mort du missionnaire, alors qu’il devient le boy d’un commandant
de district de la colonie française, où il connaîtra l’injustice, la trahison
et l’hypocrisie, qui viennent buter contre son optimisme naïf premier. Témoin
malheureux, devenu gênant, des frasques sexuelles de la femme du commandant, le
jeune Joseph se verra arrêté et torturé. Par là, l’auteur aborde d’une façon
originale le problème colonial. Tout au long de l’œuvre, le traitement
infantilisant des noirs, considérés comme ignorants, par les blancs, est
dénoncé. Le ton naïf du héros, qui relate sa découverte du monde, contraste
avec la cruauté des personnes qu’il rencontre. Le style, simple, sincère, fait
aisément accéder le lecteur au fossé qui sépare la culture des colons de celle
des Camerounais.
Ferdinand
Oyono publie la même année Le Vieux nègre et la médaille, récit des
désillusions de Meka à l’occasion de la remise d’une médaille de reconnaissance
de la France, à lui qui a perdu ses deux fils au combat. Mais très vite, la
fierté de Meka se mue en un sentiment d’humiliation après une cérémonie
grand-guignolesque. Le vieil homme, modèle de soumission qui a tout donné aux
autorités de l’occupant et à l’Église, devient un personnage de farce malgré
lui, mais propre à dénoncer les colons, hypocrites, qui font semblant de
considérer comme des amis ceux que pourtant ils excluent – colons eux-mêmes
tournés en ridicule par la suite, tandis que le vieil homme peut retrouver sa
dignité, à travers le respect des traditions et l’expression d’une solidarité
africaine, qui offre un contrepoint à des colons mus par l’intérêt. C’est le
trajet d’un homme meurtri, apprenant à transformer son aigreur en sentiments
positifs tournés vers une lutte pour la justice, qui est retracé ici. Les noirs
y discutent plaisamment de ce qu’ils ont perdu avec l’arrivée des colons et de
leurs catéchistes. L’humour est très présent dans l’œuvre, avec une certaine
désinvolture, malgré le réalisme et la dénonciation de faits avérés.
Ferdinand
Oyono publie son dernier ouvrage, Chemin d’Europe, en 1960, dans lequel
il pose à nouveau le problème de la cohabitation de deux civilisations à
travers le destin d’Aki Bernabas, un jeune homme plein d’illusions relatives à
l’Europe, souhaitant poursuivre ses études en France. Il se trouve confronté à
de nombreux obstacles et découvre peu à peu la communauté européenne à travers
les colons rencontrés au fil des métiers qu’il exerce. Le jeune homme et ses
rêves offrent un contraste avec la piété, l’attachement aux traditions du père,
qui a d’abord poussé son fils vers le séminaire avant qu’il n’en soit renvoyé,
épisode qui marque une rupture avec ce père peu soucieux des ambitions de son
fils, et qui finit même par maudire Aki. Cette dernière œuvre contient une
nouvelle fois une grande part d’autobiographie, et dit assez les désillusions
qu’a dû vivre Ferdinand Oyono lui-même au gré d’une vie qui l’a mené à exercer
parmi les plus hautes fonctions.
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